• Bonne semaine

    Bonne semaine

     

    L'Automne

     

    A toute autre saison je préfère l'automne,
    Et je préfère aux chants des arbres pleins de nids
    La lamentation confuse et monotone
    Que rend la harpe d'or des grands chênes jaunis.

    Je préfère aux gazons semés de pâquerettes
    Où la source égrenait son collier d'argent vif,
    La clairière déserte où, tristes et discrètes,
    Les feuilles mortes font leur bruit doux et plaintif.

    Plus de moissons aux champs, ni de foin aux vallées;
    Mais le seigle futur rit sur les bruns sillons,
    Et le saule penchant ses branches désolées
    Sert de perchoir nocturne aux frileux oisillons.

    Et, depuis le ruisseau que recouvrent les aulnes
    Jusqu'aux sommets où, seuls, les ajoncs ont des fleurs,
    Les feuillages divers qui s'étagent par zones
    Doublent le chant des bruits de l'hymne des couleurs.

    Et les pommiers sont beaux, courbés sous leurs fruits roses,
    Et beaux les ceps sanglants marbrés de raisins noirs,
    Mais plus beaux s'écroulant sous leurs langues décloses,
    Les châtaigniers vêtus de la pourpre des soirs.

    Ici c'est un grand feu de fougère flétrie
    D'où monte dans le ciel la fumée aux flots bleus,
    Et, comme elle, la vague et lente rêverie
    Du pâtre regardant l'horizon nébuleux.

    Plus loin un laboureur, sur la lande muette,
    S'appuie à la charrue, et le soleil couchant
    Détache sur fond d'or la fière silhouette
    Du bouvier et des bœufs arrêtés en plein champ.

    L'on se croirait devant un vitrail grandiose
    Où quelque artiste ancien, saintement inspiré,
    Aurait représenté dans une apothéose
    Le serf et l'attelage et l'araire sacré.

     

    François Fabié